Par Wilcox TOYO, Psychologue/Journaliste | Octobre 2025 | Port-au-Prince, Haïti. —
Un but pour Haïti, une victoire contre la peur
Dans un pays déchiré par la violence et le désespoir, le football demeure l’un des rares langages capables de rassembler. Une éventuelle qualification d’Haïti pour la Coupe du Monde ne serait pas seulement une victoire sportive, mais un véritable acte de résistance nationale , un souffle d’espoir et un possible levier de paix.
Un rêve qui transcende les divisions
Et si, contre toute attente, Haïti parvenait à décrocher sa place pour la prochaine Coupe du Monde ?
Si, pour la première fois depuis 1974, le peuple haïtien retrouvait le goût d’un rêve commun ?
Un cri de joie résonnerait alors à travers les collines, les villes, les camps, les ruelles et les montagnes.
Pendant un instant, la peur se tairait, les armes se tairaients, et les cœurs battraient à l’unisson.
Car le football, plus que tout autre langage, touche à l’essence du peuple haïtien : l’unité dans la douleur, la fierté dans la misère, et l’espoir, envers et contre tout.
Aujourd’hui encore, dans les rues, les écoles, les camps et sur les terrains poussiéreux, les jeunes y croient. Pour eux, le football n’est pas qu’un simple jeu : c’est un langage de survie, une prière collective, une manière d’espérer à travers les passes et les buts.
« Quand nos Grenadiers jouent, on oublie la peur. On se sent encore Haïtiens », confie Jean Junior Beldor, un supporter de Delmas.
Un pays fragmenté en quête de symbole commun
Haïti traverse l’une des périodes les plus sombres de son histoire récente. La violence, la méfiance et le désespoir minent le tissu social. Peu de symboles parviennent encore à rassembler au-delà des clivages politiques, régionaux ou sociaux.
Mais le football, lui, transcende ces frontières. Il appartient à tout le monde.
Quand un joueur issu d’un quartier populaire ou d’une famille modeste marque un but sous les couleurs nationales, c’est tout un peuple qui se retrouve en lui. Dans cette communion renaît un sentiment précieux : celui d’appartenir à quelque chose de plus grand que nos blessures.
Le football, dernier drapeau de l’unité nationale
Alors que les armes imposent le silence, le ballon rond fait vibrer les cœurs.
Le cri « Grenadiers à l’assaut ! » résonne du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest jusque dans les zones contrôlées par les gangs. Dans cette ferveur, le peuple y croit encore.
Dans un pays fragmenté, ce cri peut redevenir un symbole de résistance pacifique et d’unité nationale.
Sur les terrains poussiéreux du centre sportif de Carrefour, du parc Sainte-Thérèse ou de Land des Gabions, dans les rires des enfants jouant pieds nus, se cache une force silencieuse : la résilience.
En Haïti, le football n’est pas qu’un divertissement. C’est une école de vie , celle de la discipline, du respect, de la solidarité et du dépassement de soi.
Le sport comme instrument de paix
L’histoire du monde l’a déjà prouvé : le sport peut guérir les blessures des nations.
En Côte d’Ivoire, Didier Drogba a contribué à la fin d’une guerre grâce à un match.
Au Liberia, George Weah a incarné l’espoir.
Haïti, elle aussi, mérite son moment de communion, d’union et d’unité.
Cette même énergie pourrait devenir un véritable levier de paix. Un peuple qui vibre ensemble, qui célèbre ses héros sportifs, redécouvre les valeurs essentielles de la fraternité, de l’écoute et du respect.
Ce climat d’unité, même éphémère, peut ouvrir une porte vers la fin de la haine. Il peut inspirer la jeunesse et offrir au pays une histoire positive : celle d’une victoire possible grâce à l’effort, au travail et à la solidarité.
Une victoire pour la dignité et la fierté
Chaque victoire sportive prend une dimension politique lorsqu’un peuple souffre.
Une qualification des Grenadiers offrirait à Haïti un souffle nouveau, une revanche symbolique sur les images de chaos qui inondent les écrans.
Elle rappellerait au monde que, derrière les barricades, vivent des jeunes talentueux, des femmes et des hommes debout, un peuple assoiffé de dignité.
Une qualification à la Coupe du Monde serait bien plus qu’un exploit sportif : ce serait la preuve que, même au cœur de la tempête, l’excellence demeure possible.
Que la dignité peut renaître là où tout semble perdu.
Transformer la ferveur en changement social
Mais l’émotion seule ne suffit pas.
Pour qu’elle devienne durable, il faut la transformer en action : investir dans le sport, l’éducation et les quartiers.
La paix ne se décrète pas, elle se construit pas à pas.
Une qualification mondiale devrait servir de tremplin pour des politiques sportives sérieuses : écoles de football, infrastructures locales, encadrement éducatif et social pour les jeunes talents.
Le défi est immense : il s’agit de convertir l’émotion en projet collectif.
Haïti regorge de talents, mais manque cruellement de ressources.
Le rêve d’une reconnaissance mondiale ne sera durable que s’il s’inscrit dans une vision à long terme — celle d’une jeunesse formée, valorisée et mobilisée autour d’un idéal commun.
Haïti mérite de vibrer à nouveau
Une qualification à la Coupe du Monde pourrait marquer le début d’un grand projet de reconstruction morale et sociale.
La jeunesse haïtienne n’a pas besoin de discours creux : elle a besoin de buts, de projets, d’un avenir.
Haïti n’a pas encore dit son dernier mot.
Le football, ce langage universel, peut rallumer la flamme nationale.
Chaque but marqué par les Grenadiers serait un acte de foi, un refus du désespoir.
Chaque drapeau levé serait une prière pour que la vie triomphe sur le chaos.
Haïti n’a pas besoin d’un miracle , elle a besoin d’une raison de se relever.
Et si cette raison, paradoxalement, venait d’un simple ballon rond ?
De la poussière des terrains aux rêves de la Coupe du Monde : Haïti mérite de vibrer à nouveau !